FIXATION DES GREFFES DE LIGAMENT CROISÉ

ANTÉRIEUR

P. CHRISTEL- PARIS

Introduction:

Dans les premières semaines post-opératoires, la fixation de la greffe constitue le point faible de la reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA). La résistance de cette fixation dépend du moyen de fixation et du type de greffe employée. La connaissance des performances s de ces moyens de fixation est donc critique pour connaître le niveau d'une contrainte que l'on peut appliquer a la reconstruction sans danger pour celle-ci.

L'étude de la fixation des greffes de LCA comprend plusieurs volets:

- La connaissance des contraintes subies par le LCA et ses greffes dans la vie courante: la rééducation et la pratique sportive. - L'étude des propriétés mécaniques statiques de la fixation - L'étude des propriétés mécaniques dynamiques sous charges cycliques.

La résistance mécanique de la fixation ligamentaire doit être considérée par rapport aux contraintes subies par la ligament croisé antérieur ou sa greffe pour l'activité quotidienne, la rééducation, le sport. Les paramètres mécaniques à considérer sont les suivants: résistance à la rupture en traction, rigidité de la reconstruction, glissement de la greffe par rapport à la fixation et enfin résistance aux efforts cycliques.

Quelles sont les contraintes mécaniques supportées par le LCA et ses greffes ?

Les études de Wascher ont montré que la tension physiologique du LCA était au maximum en extension et atteignait 120 N. Il est minimum entre 10 et 90°de flexion puis augmente de nouveau au delà de 120 °de flexion du genou.

La valeur de la charge supportée par la LCA a été calculée ou mesurée par différents auteurs: Morison estime à 150 N la charge supportée par le LCA durant la marche. Morison et Noyes estiment la charge à 450 N durant la pratique du jogging.

La valeur de la charge supportée par le LCA pour l'activité quotidienne et la rééducation "agressive" a été calculée par Markolf entre 150 et 750 N pour une contraction du quadriceps de 30 Nm. Frank et Jackson ainsi que Walker estiment à 500 N la charge supportée durant l'activité quotidienne ou la rééducation "agressive". Ainsi les valeurs calculées ou mesurées par les différents auteurs sont variables. On peut retenir comme base, les valeurs suivantes : 150 N dans l'activité quotidienne et 400 à 500 N pour la rééducation "agressive " ou la pratique sportive.

Les tests mécaniques statiques

Les conditions d'essai vont considérablement influencer les résultats. Parmi les nombreux paramètres à prendre en considération, il est essentiel de préciser, pour interpréter les résultats, si l'essai a été effectué en traction axiale - c'est à dire avec une force dirigée dans l'axe de la fixation - ou si l'essai a été réalisé avec une angulation par rapport à la fixation (traction non axiale). Est aussi à prendre en considération, la qualité du tissu osseux. En effet, la résistance de la fixation est directement dépendante de la densité donc de la résistance mécanique de l'os. D'une manière générale, le tibia offre une résistance mécanique inférieure à celle du fémur et le tissu osseux animal a dans l'ensemble une densité nettement supérieure à celle de l’être humain bien que certains auteurs considèrent qu'il n'existe pas de différence en terme de densité minérale entre l'homme adulte jeune et les os d'origine animal (veau, porc, etc...).

La fixation du tendon rotulien

L'ère moderne de la fixation du tendon rotulien commence avec Kurosaka en 1987 qui a été le premier 3 proposer des vis d'interférence métalliques spécifiques pour la fixation de la greffe os-tendon-os. Dans son article original, il retrouve une résistance à la rupture d'une vis métallique d'interférence 9x30 mm à 436 ± 90 N, I'essai étant effectué sur os humain d'âge 20 ans en traction axiale. La valeur de ces résistances à I'arrachement varie selon les auteurs et selon les moyens de fixation utilisés. Elles sont nettement inférieures quand on considère la limite élastique plutôt que la résistance a la rupture. Les moyens les moins performant étant la fixation du tendon rotulien par des fils de suture noués sur un bouton ou par agrafage direct des chevilles osseuses à la surface de l'os.

Bien que les vis d'interférence offrent un moyen de fixation extrêmêment résistant et supérieur aux autres systèmes existent, il faut savoir que la rigidité de la reconstruction n'atteint jamais celle du LCA original. Seule la vis d'interférence permet de s'approcher de la valeur normale du LCA, les autres moyens, bouton, agrafe, etc ... aboutissent a des reconstructions a faible rigidité.

Parmi les facteurs influençant la résistance de la fixation du tendon rotulien avec vis d'interférence, on relève les paramètres suivants:

- la densité de l'os spongieux; la fixation fémorale étant toujours supérieure a la fixation tibiale.

- le diamètre de la vis: les vis de 9 mm offrent une meilleure résistance que l’emploi de vis de 7 mm

- le diamètre du tunnel par rapport à celui de la cheville osseuse: moins il y a de jeu entre la cheville osseuse et le diamètre du tunnel, plus la résistance a l'arrachement est importante.

- la divergence de la vis d'interférence par rapport a la cheville osseuse: au delà d'une divergence de 25°, il existe une diminution significative de la résistance à l'arrachement de la fixation.

En conclusion des essais statiques concernant la fixation du tendon rotulien : seule la fixation par vis d'interférence permet une rééducation "agressive" d'emblée. Cependant, la rigidité de la reconstruction est toujours inférieure a celle du LCA nature!. Enfin la résistance et la rigidité de la fixation sont proportionnelles aux diamètres de la vis d'interférence.

Fixation des tendons ischio-jambiers

Le problème de la fixation des ischio-jambiers est nettement plus complexe que celui du tendon rotulien du fait de la multitude des systèmes disponibles.

Ces systèmes peuvent être actuellement classes en trois catégories:

- les systèmes d'ancrage direct intra-spongieux "anatomiques": il s'agit des vis d'interférence métalliques ou résorbables type RCI ou nautres.

- les systèmes mixtes cortico-spongieux. Il s'agit de potences transversales intra-osseuses autour desquelles les tendons ischio-jambiers forment une boucle. Ces systèmes sont utilisés uniquement au niveau fémoral (BoneMulch, Transfix, LinX-HT, Rigidfix, etc ...)

- les systèmes à appui cortical: Endobutton, étriers, rondelles a picots,

agrafes, boutons, etc...

Ces trois catégories de système de fixation peuvent aussi être classés en fonction de leur position par rapport aux insertions du LCA.

Les systèmes directs permettent d'obtenir un ancrage " anatomique ", les systèmes cortico-spongieux aboutissent a une fixation " intermédiaire ", une partie de la greffe étant dans les tunnels osseux non fixée. Enfin, les systèmes à appui cortical, " non anatomiques ", aboutissant à un éloignement considérable des points de fixation de la greffe dont l’essentiel de la longueur se trouve dans des tunnels osseux, non fixée.

Résistance de l 'attache fémorale

Parmi tous les systèmes disponibles, il s'établi une hiérarchie en fonction de la densité de l'os sur lequel s'appuie le système de fixation. L'Endobutton CL offre la meilleure résistance, suivi des systèmes à appui cortico-spongieux. Les systèmes directs présentent la résistance la plus basse.

D'autres études réalisées sur fémur bovin, avec traction à 45° par rapport au tunnel, ont retrouvé des résultats similaires comparant un étrier à appui cortical, des vis d’interférence, et une vis avec rondelle à picots. L'étrier, système à appui cortical, présente une résistance a l'arrachement statistiquement supérieure à celle des autres systèmes.

Dans l’ensemble, les systèmes à appui corticaux, ont une résistance à la rupture nettement supérieure à 1000 N. Les systèmes a appui cortico-spongieux se situent entre 600 et 900 N, et les vis d'interférence entre 400 et 500 N.

Au niveau de la fixation tibiale, il n'existe pas de système de potence à appui cortico-spongieux comme au niveau du fémur. Il existe soit des systèmes directs (vis d'interférence), ou des systèmes à appui cortical, (rondelles a picots, agrafes), qui peuvent fixer les tendons ischio-jambiers directement contre la surface du tibia ou servir d'appui aux fils de traction de la greffe noués sur ceux-ci.

L'étude de Magen et Howell a été realisée par traction axiale sur tibia de porc. Elle a consité à comparer la limite élastique de plusieurs type de fixation : doubles rondelles à picots, sutures N°5 appuyées sur vis bicorticale, Washerloc, vis RCI 9x25 mm, et agrafes (technique de la boucle de ceinture). Cette étude a montré que la fixation par deux rondelles a picots autour desquelles sont entourés les tendon ischio-jambiers en " 8 " avait une limite élastique statistiquement supérieure à celle des autres moyens de fixation .

Cependant, si l'on considère la rigidité de ces systèmes, I'utilisation de fils de suture noués sur vis bi-corticales ou d'agrafes, montre une rigidité considérablement plus faible que pour les autres systèmes : vis RCI, Washerloc, et doubles rondelles a picots.

Les auteurs ont aussi étudiés le glissement de la greffe de tendons ischio-jambiers par rapport au système de fixation. Ils ont montré, chez l'animal, sous traction axiale, que le glissement de la greffe, quand celle-ci est fixée par des fils de suture sur une vis ou par des agrafes, est supérieur à 3 mm pour une charge de 500 N, alors que les autres systèmes ne glissent que d'1 mm au maximum.

Dans le même article, les auteurs ont comparé leurs résultats obtenus chez l'animal avec ceux obtenus sur os humain frais (âge moyen 35 ans, 18 à 48). Ils ont ainsi montré que le comportement des systèmes de fixation était différent chez l'homme et chez l'animal, surtout en ce qui concerne la vis RCI. De même, ils ont montre que le glissement de la greffe par rapport au système de fixation était plus important chez l'homme que chez l'animal en particulier pour les vis RCI.

Facteurs influençant la fixation directe des tendons ischio-jambiers.

Les différentes études de la littérature montrent que les facteurs suivant influencent la qualité de la fixation des tendons ischio-jambiers :

Giurea et coll. ont montré qu'il existait des différences à l'arrachement de la greffe en fonction du dessin de la vis utilisée.

Weiler et coll. ont montré que la résistance à la traction et la rigidité de la reconstruction étaient significativement améliorées par l'emploi de vis résorbables par rapport aux vis métalliques.

Les mêmes auteurs ont aussi montré que l'adjonction d'une cheville osseuse aux tendons ischio-jambiers permettait d'améliorer significativement la résistance à l'arrachement de cette fixation. Cependant l'emploi d'une telle cheville osseuse oblige a utiliser des tunnels de grand diamètre.

En conclusion de toutes ces données, il apparait que pour la fixation des tendons ischio-jambiers, les systèmes à appui cortical ou cortico-spongieux offrent une résistance à la rupture supérieure aux systèmes de fixation directe. Cependant leurs inconvénients est un éloignement des points de fixation entrainant une diminution de la rigidité du système et en pratique une ostéolyse des tunnels. Il existe à ce sujet plusieurs hypotheses pouvant expliquer l’élargissement des tunnels : d'une part l’effet " élastique " longitudinal (Bungee) et l'effet " essui-glace ". L'effet élastique est secondaire à un pistonnage de la greffe dans les tunnels osseux et l'effet essui-glace est dû à un balayage de la greffe à la sortie des tunnels lors des mouvements de flexion-extension du genou. Ces deux effets combinés ont été rendus responsables de l'élargissement des tunnels du fait de l'absence de fixité e la greffe dans ceux-ci.

En fait le mouvement relatif de la greffe par rapport aux parois des tunnels semble insuffisant pour expliquer à lui seul cet ostéolyse. Le pompage du liquide synovial le long de la greffe, ainsi que les facteurs ostéolytiques libérés par la gerffe lors de sa nécrose pourraient jouer un rôle plus important.

L'utilisation de systèmes directs permet une fixation anatomique donc une optimisation de la rigidité de la reconstruction. La distance entre point de fixation des greffes ischio-jambiers en utilisant des vis d'interférence correspond a celle de la longueur du LCA, entre 3 et 3,5 cm, tandis que l'utilisation de systèmes type Endobuton du coté fémoral et vis bicorticales sur lesquelles les fils de suture sont noués au niveau tibial aboutie a une distance entre points de fixation de 18 cm.

Enfin, I'ensemble des études montrent que les performances mécaniques en terme de résistance a l'arrachement ou de rigidité sont insuffisantes avec l'utilisation des agrafes, des rondelles a picots ou des fils noués sur vis.

La fixation directe supporte les efforts de la vie courante (150 N) mais est " limite " pour la rééducation "agressive" (500 N). Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la charge supportée par le LCA ne correspond pas à celle supportée par les systèmes de fixation du fait de l'angle forme par la greffe avec les tunnels lors de la flexion extension du genou. Ceci est surtout vrai pour la fixation fémorale mais l’est moins pour la fixation tibiale qui est pratiquement dans l’alignement du LCA.

Les essais mécaniques dynamiques

Il s'agit d'essais cycliques au cours desquels les greffes sont soumises a des cycles de force sinusoïdaux. La mise en charge peut être axiale ou non. Les paramètres de mise en charge sont l'amplitude de la charge, le nombre de cycles, et leur fréquence. Les paramètres mécaniques étudiés sont l'allongement de la reconstruction en fonction du temps d'essai, et la course de la greffe dans le tunnel.

Les études Brown réalisées sur fémur humain frais (âge moyen 46 ans, 42 à 50) ont consiste a cycler la reconstruction entre 50 et 250 N a 1 hertz pendant 1 000 cycles.

Differentes reconstructions ont été etudiees: tendon rotulien avec vis d'interférence ou sutures nouees sur un bouton, DIDT avec Endobuton, BoneMulch, vis d'interférence resorbables, Transfix.

Ce type de tests est particulierement severe puisque parmi les 9 tendons rotuliens fixes par vis d'interférence, trots se sont rompus avant 1000 cycles et 2 des 8 tendons fixes avec suture sur bouton se sont aussi rompus avant 1000 cycles. 4 DIDT avec vis d'interférence resorbable sur 11 specimens se sont arraches avant d'atteindre les 1000 cycles. Le mouvement relatif des greffes par rapport aux parois des tunnels lors des cycles de mise en charge a été mesure entre 0,33 et 0,68 mm. Pour les auteurs, cette mobilite de la greffe par rapport aux parois du tunnel ne peut pas expliquer a elle seule les phenomenes d'elargissement observes sur les radiographies. II n'a pas été trouve de difference significative entre les tendons rotuliens et les

. . . . .

~scn~o-Jamb~ers.

L'allongement de la reconstruction etait minimum pour le tendon

rotulien fixe par vis d'interférence (1,5 +/- 0,4 mm) et maximum pour

la fixation par vis d'interférence resorbable (big-interférence 8x23 mm)

:4,2+1-3,4mm.

Pour les auteurs cet allongement de la reconstruction qui est

nettement supérieur de celui de la mobilite de la greffe dans le tunnel

doit insiter au cyclage de la greffe lors de ['intersontion chirurgicale

pour "caler" le système de fixation.

 

 

Références bibliographiques