ETUDE ARTHROSCOPIQUE DE L'ENGAGEMENT ROTULIEN
 
 Home | Liens | Congrès | Guestbook | Medline

 

C. DELAUNAY

Clinique de l'Yvette, Longjumeau

 

 

 

INTRODUCTION

 

Place de l'arthroscopie dans la pathologie fémoro-patellaire

 

Elle ne fait pas l'unanimité de par le monde, la classique "exception Française" s'exprimant une nouvelle fois.

1/ A l'étranger

L'arthroscopie du genou fait en général partie des moyens diagnostics possibles.

Elle est préconisée par de nombreux auteurs, en particulier dans le démembrement des "anterior knee pain" syndromes. Ainsi, dès 1979, Casscells (1) plaidait pour sa pratique quasi systématique du fait de sa valeur diagnostique (fiabilité à 95%), en fait essentiellement afin d'éviter des arthrotomies inutiles et des méniscectomies iatrogènes, qui n'étaient pas exceptionnelles à l'époque. Plus pondérés en 1984, Casscells et Morgan (2) reconnaissaient que l'examen clinique restait fondamental et objectivaient par son aspect arthroscopique, le syndrome d'hyperpression externe rotulien comme une cause potentielle de douleurs antérieures du genou chez les sujets jeunes.

Dans leurs Conférences d'Enseignements, Dandy (3) recommandait un examen arthroscopique avant la réalisation de tout geste chirurgical de stabilisation rotulienne, et Fulkerson (4) insistait en particulier sur l'intérêt du contrôle arthroscopique de la validité des défauts d'alignement suspectés cliniquement.

Ainsi, pour Johnson (5), le recentrage arthroscopique de la rotule dans la gorge trochléenne devrait être acquis "normalement" à 45° de flexion pour un genou sain. Pour Casscells et Morgan (2), Dandy (3) et Fulkerson (4), ce recentrage, observé en arthroscopie, devrait être complètement acquis au plus tard dans les 60 premiers degrés de flexion du genou. Au-delà de cette valeur seuil, on pourrait parler, en cas de recentrage rotulien trop tardif, de course rotulienne "anormale" ("patellar maltracking").

 

 

2/ En France

La place de l'arthroscopie reste encore restreinte, et elle ne fait toujours pas partie des moyens diagnostics recommandés.

En 1990, Dorfmann et Labaune (6) insistaient sur la nécessité d'une bonne maîtrise des indications de l'arthroscopie en général, afin d'éviter des examens abusifs, en particulier dans la si fréquente pathologie clinique d'origine fémoro-patellaire. En 1994, la Conférence de consensus sur l'arthroscopie du genou (7) concluait: "L'arthroscopie diagnostique n'a guère de place dans l'évaluation des douleurs antérieures du genou d'origine fémoro-patellaire". La Référence Médicale Opposable N°2, sur le thème N°IV "Explorations et chirurgie du genou", édictée en 1995 par la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie (8), reprenait à son compte ces conclusions en limitant la latitude à pratiquer une athroscopie aux "cas particuliers de douleurs rebelles pour lesquelles est évoqué le rôle d'un plica ou d'un clapet cartilagineux".

Cependant, Dupont en 1995 reconnaissait à l'arthroscopie l'apanage du diagnostic de certains engagements fémoro-patellaires atypiques (9). Simultanément, ce même auteur s'interrogeait sur l'intérêt de l'arthroscopie diagnostique lorsqu'un syndrome rotulien douloureux coexiste avec un bilan d'imagerie radio-tomodensitométrique totalement négatif (10). Dans cette situation clinique, il suggérait que l'arthroscopie pourrait se montrer plus sensible que l'imagerie traditionnelle, mais moins spécifique (nombreux faux positifs).

 

 

Reproches faits à l'arthroscopie en pathologie fémoro-patellaire

 

 

Ils sont de deux ordres.

 

1/ Déontologiques

Comme tout acte chirurgical, l'arthroscopie n'est pas dénuée de risques et son coût économique n'est pas négligeable. Surtout, sa pratique devant tout genou douloureux ouvre la porte à de nombreux examens abusifs, voire iatrogènes.

 

2/ Techniques

Les conditions "chirurgicales" de la réalisation de l'acte arthroscopique éloignent inévitablement de la biomécanique "naturelle".

En particulier, les effets: 1) de la constriction due au garrot, 2) de l'annulation anesthésique du tonus musculaire quadricipital, et 3) de la distension articulaire liée au remplissage liquidien, représentent des artéfacts techniques apparemment rédhibitoires et susceptibles de rendre caduques les informations fournies par l'arthroscopie sur l'engagement et la course rotuliens.

 

 

Les objectifs de nos études vont être doubles :

 

1/ Déterminer les effets des conditions techniques de réalisation de l'arthroscopie sur l'observation de l'engagement rotulien

 

2/ Etablir s'il existe une corrélation entre l'aspect arthroscopique de l'engagement rotulien et les données de l'examen clinique du genou.

 

 

 

 

 

QUESTION N° 1 :

 

Quels sont les effets des conditions techniques de l'arthroscopie ?

 

 

 

1/ Les conditions techniques

Les examens arthroscopiques du genou qui composent le matériel des études décrites ici ont tous été réalisés par le seul auteur et toujours avec la même installation. Le garrot pneumatique était très haut placé dans un arthrostress à la racine de la cuisse, le membre étant libre et totalement préparé. L'anesthésie était le plus souvent générale (quelques rachi-anesthésies). Le remplissage du genou était obtenu par simple pesanteur avec une poche de 2 litres de sérum physiologique à 2 mètres du sol. Le scope utilisé était conventionnel à 30° et introduit par abord antéro-externe habituel.

 

 

2/ Etude des effets

- De la détente quadricipitale

Ses effets sur la course rotulienne ne peuvent être qu'extrapolés à partir des constatations faîtes lors des études portant sur la contraction quadricipitale.

Plusieurs travaux scannographiques ont indiqué que la contraction quadricipitale majorait la bascule rotulienne externe sur des genoux symptomatiques avec instabilité rotulienne objective (luxation) examinés en extension par Nove-Josserand et Dejour (11), ainsi qu'en extension et flexion à 20° par Delgado-Martinez et al.(12). Cette majoration de la bascule rotulienne externe en extension a été parfaitement confirmée par Johnson (5), lors d'examens arthroscopiques pratiqués sous anesthésie locale sur 11 genoux sains de volontaires. Par contre, alors que passivement le recentrage sur genou sain se produisait pour la même flexion (environ 45°) que celle notée sous anesthésie générale, activement, la contraction quadricipitale réduisait de 50% environ la course rotulienne avant recentrage, qui survenait alors aux environs de 20°.

Dans les genoux avec instabilité rotulienne objective (subluxation et luxation), les effets de l'atonie quadricipitale lors de la mise en flexion progressive restent encore indéterminés.

 

- De la voie de pénétration du scope

Elle reste discutée. Une voie supérieure (externe ou interne) est préconisée par Dandy (3), Fulkerson (4) et Dupont (9). Pour Lindberg et al.(13), le scope est introduit par voie trans ligamentaire rotulienne de Gillquist. Par simplicité, nous avons examiné cet engagement par la voie habituelle antéro-externe, retenue aussi par Casscells et Morgan (2), Johnson (5) et Chassaing et Parier (14). Le scope à 30°, peu poussé par cette voie, ne nous a pas semblé interférer avec le parcours rotulien et l'engagement trochléen, que l'on observe alors de face.

- Du remplissage articulaire liquidien

Un précédent travail personnel (Delaunay et Kapandji (15)) portant sur 100 arthroscopies simples du genou a consisté à mesurer systématiquement à l'aide d'un goniomètre stérile la valeur de l'Angle de Flexion nécessaire à l'obtention du Recentrage (AFR) fémoro-patellaire aussi complet que possible (visualisation arthroscopique d'un parfait contact entre les facettes rotuliennes et les berges trochléennes correspondantes). Cet angle de flexion se majorait de l'ordre de sept degrés en moyenne entre les situations de vacuité articulaire et de remplissage liquidien sans arthropompe (poche de 2 litres à 2 mètres du sol et par simple pesanteur). Cette différence était significative (test-t apparié, p < 0,001), et identique quelque soit le diagnostic de l'affection ayant légitimé l'acte arthroscopique (77 lésions ménisco-ligamentaires, 13 syndromes douloureux rotuliens, 7 contrôles lors d'ablation de vis tubérositaires et 3 genoux mystérieux).

 

- Du garrot pneumatique

Ces effets sur la course rotulienne étaient imprévisibles dans le travail de Marson et Tokish (16), lors de la réalisation d'arthroplasties totales du genou par arthrotomie classique d'Insall, avec une majoration de la bascule rotulienne dans la moitié seulement des genoux opérés.

Dans les conditions techniques habituelles d'une arthroscopie réalisée sur des genoux non-arthrosiques et "fermés", il semblait peu probable qu'un garrot placé très haut sur la cuisse puisse perturber considérablement la course rotulienne. Il n'avait aucun effet notable dans l'étude arthroscopique de Johnson (5), sous réserve de conditions techniques précises que nous avons de ce fait strictement reproduites. Mais, cette étude ne portait que sur 11 genoux de volontaires "sains".

 

Dans une courte série personnelle de 40 examens arthroscopiques consécutifs "tout venant", l'auteur a constaté, avant et après gonflage du garrot pneumatique à 40 mm de mercure, une réduction de la mesure de l'AFR au sérum de 5° à 15° (1 genou) dans 2/3 des cas, et aucun effet dans le dernier tiers. La différence moyenne relevée entre les 2 situations était de l'ordre de 5°, ce qui était significatif (test-t apparié, p<0,0001). Cet effet "constricteur" du garrot en arthroscopie est à la fois imprévisible et relativement faible. Il s'oppose de plus à l'effet du remplissage liquidien, qui s'annulerait donc plus ou moins.

 

 

Réponse à la première question

 

 

 

Les effets combinés; -"déstabilisateur" de l'atonie quadricipitale; - "constricteur" du garrot; et - les 7° moyens de bascule rotulienne externe supplémentaire liée au remplissage, ne rendent pas inexploitables les données visuelles obtenues par l'observation arthroscopique de l'engagement rotulien.

Ainsi, les conditions techniques sus-décrites permettent de mesurer l'AFR, donnée rapide, objective, simple et reproductible.

 

 

 

 

QUESTION N° 2

 

Quelle valeur accorder à l'AFR dans la pathologie douloureuse rotulienne du sujet jeune ?

 

 

Sous réserve des constatations techniques précédentes, cette étude a cherché à confronter rétrospectivement les valeurs d'AFR "au sérum", systématiquement mesurées à l'arthroscopie, avec les manifestations pré-opératoires cliniques d'origine rotulienne correspondantes.

 

 

 

Matériel et méthode

De janvier 1993 à octobre 1996, 390 arthroscopies consécutives du genou ont été réalisées par l'auteur. Après élimination des patients agés de plus de 40 ans ou déjà radiologiquement arthrosiques, et des arthroscopies accompagnant un acte chirurgical (chondroplasties, ligamentoplasties, etc ...), 116 examens arthroscopiques ont été retenus. Ils concernaient 115 patients, 66 hommes et 49 femmes (1 patiente ayant été examinée des 2 côtés), agés de moins de 40 ans (age moyen, 26 ans; extrêmes, 12 à 40 ans). L'examen clinique pré-opératoire du genou a toujours été complet. Le bilan radiographique standard ne comportait que des clichés de face, de profil, et une incidence axiale à 30° de flexion. Ces 116 genoux ont été classés en 3 groupes.

- Groupe-T (Témoin): il comprenait 50 genoux ne présentant aucune symptomatologie fémoro-patellaire, à l'interrogatoire et à l'examen clinique pré-arthroscopique. Ces arthroscopies étaient essentiellement indiquées pour des lésions ménisco-ligamentaires.

- Groupe SDR (Syndrome Douloureux Rotulien): 55 genoux présentant une symptomatologie rotulienne douloureuse et éventuellement d'instabilité rotulienne subjective. Dans 19 cas, l'arthroscopie a retrouvé des lésions chondro/ ménisco/ligamentaires associées.

- Groupe LUX: 11 genoux ayant présenté un ou plusieurs épisodes plus ou moins récents de luxation de rotule.

L'installation et la technique arthroscopiques ont toujours été identiques à celles précédemment décrites. La bascule rotulienne exerne en extension avec ouverture de l'interligne fémoro-patellaire interne, et le contact initial de la facette rotulienne externe lors de la mise en flexion, éventuellement réduit (signe de Casscells, Figure 1), ont été notés.

Surtout, la mesure après inflation de sérum de l'AFR a été systématiquement effectuée, en rotation naturelle du squelette jambier. Compte tenu de l'effet du remplissage liquidien, majorant la bascule rotulienne externe de 7° en moyenne dans les conditions techniques sus-décrites, et des effets opposés du garrot et du relachement quadricipital, l'auteur a retenu un angle de recentrage de 65° comme étant la valeur seuil de "normalité arthroscopique". La sensibilité, la spécificité, les valeurs prédictives positive et négative de cette valeur d'AFR seuil "au sérum" de 65° ont été déterminées selon les critères retenus par Dupont (10).

 

 

Résultats

Par groupes, les valeurs moyennes d'AFR "au sérum" ont été de 39° pour les 50 genoux du groupe-T, et de 52° pour 50 des 55 genoux du groupe-SDR, car en 5 occasions le recentrage n'avait pu être obtenu en flexion maximale autorisée par l'installation. Cette différence était hautement significative (ANOVA, p < 0,0001). Dans le groupe des luxations, le recentrage a été impossible à obtenir 9 fois sur 11.

Sur les 116 genoux examinés, 30 avaient un AFR "au sérum" > 65°; 1 seul appartenait au groupe témoin, alors que tous les autres appartenaient aux groupes rotuliens symptomatiques (19/55 au groupe SDR et 10/11 au groupe-LUX). La corrélation entre la constatation d'un AFR > 65° et l'existence de manifestations cliniques rotuliennes, douleur et instabilité (groupe-T versus groupes SDR + LUX) était significative (Chi2, p = 0,0001).

L'analyse statistique du critère "AFR > 65° au sérum" révélait des valeurs différentes selon les groupes pathologiques considérés par rapport au groupe-Témoin. Dans le groupe-SDR, sa sensibilité était faible (0,34), mais sa spécificité et sa valeur prédictive positive (VPP) étaient très fortes (0,98 et 0,95, respectivement). Dans le groupe-LUX, sa sensibilité et sa spécificité étaient fortes (0,91 et 0,81, respectivement), mais sa VPP faible (0,33).

 

 

 

Réponse à la deuxième question

 

 

 

Il existait une corrélation réelle entre les tableaux cliniques fémoro-patellaires pré-arthroscopiques et les mesures d'AFR "au sérum", en particulier dans le groupe des SDR du sujet jeune, où la valeur d'AFR seuil "au sérum" > 65° présentait une spécificité et une valeur prédictive positive élevées.

 

 

 

DISCUSSION

 

 

 

Critiques méthodologiques

 

1/ La mesure de l'AFR

Elle n'est possible et reproductible qu'à condition de respecter des conditions techniques toujours identiques. Le recours à l'arthrostress nous parait indispensable, afin que la jambe soit parfaitement libre et en rotation naturelle. Les examens pratiqués sur table normale, où la flexion est obtenue jambe contrainte, ne nous semblent pas offrir les mêmes possibilités de mesure et surtout la même reproductibilité.

Quant à la mesure de l'AFR à l'aide d'un goniomètre stérile, son caractère fruste est évident, et des difficultés ont été rencontrées par Johnson (5) et par l'auteur, du fait du drapage par les champs stériles. Il n'existe cependant pas d'autre moyen de mesure en clinique courrante.

 

 

2/ Définition du Syndrome Douloureux Rotulien

Elle est une constante source de confusion dans la littérature.

Ainsi, en 1994, Martinez Moreno (17) définissait le syndrome rotulien douloureux "idiopathique" comme regroupant les genoux présentant une douleur à la surcharge fémoro-patellaire constamment associée à des lésions cartilagineuses rotuliennes observées à l'arthroscopie. Cette définition n'était pas retenue par Casscells (1), Johnson (5), Dupont (10) et Lindberg et al.(13), pour lesquels il n'existait aucune relation fréquente entre SDR et lésion cartilagineuses rotuliennes. Sur 163 genoux SDR étudiés sous arthroscopie par Casscells et Morgan (2), 3 sur 4 avaient un cartilage rotulien d'aspect normal. De même, sur 56 genoux SDR examinés par Dupont (18), 56% avaient un cartilage rotulien d'aspect normal

L'auteur a quant à lui retenu la définition du syndrome rotulien douloureux proposée par Dejour et al.(19): douleurs subjectives à la descente des escaliers, à la position assise prolongée et à l'examen clinique, éventuellement associées à des phénomènes d'instabilité subjective (instabilité rotulienne potentielle), mais sans luxation (instabilité rotulienne "objective") et sans arthrose (absence de pincement sur la vue axiale à 30°). Ce SDR est qualifié par Dupont d'"idiopathique" seulement lorsque l'imagerie radiographique est "normale" (10).

Quoiqu'il en soit, le SDR représente pour l'auteur un sous-ensemble du groupe des douleurs antérieures du genou et un stade intermédiaire entre genoux asymptomatiques rotuliens (groupe-Témoin) et luxations de rotule (groupe-LUX, avec instabilité rotulienne objective).

 

 

 

 

 

 

3/ Confrontation Radio-Arthroscopie

L'absence de bilan radiographique complet pour tous les patients et le caractère rétrospectif de ce travail ne permettaient pas de confronter les données de l'arthroscopie à celles fournies par les examens d'imagerie conventionnelle.

Cependant, une analyse prospective des relations entre symptomes et imagerie a été effectuée par Dupont (10). Sur une série de 431 genoux classés en 3 groupes comparables aux notres (groupe-Témoin, 295 genoux; groupe-SDR, 89 genoux; et groupe LUX, 47 genoux), cet auteur a testé la sensibilité et la spécificité des informations sur la position de la rotule et la morphologie trochléenne fournies par 4 incidences radiographiques: vue axiale à 30°, profil en extension, profil en flexion à 30° et trochlée de profil (signe du croisement).

Dans les groupes des luxations, la constatation d'un AFR au sérum > 65° présentait une sensibilité (0,91) et une spécificité (0,81) inférieures à celles fournies respectivement par les incidences de profil en extension (sensibilité, 0,98) et à 30° de flexion (spécificité, 0,91). Par contre dans le groupe-SDR de notre étude, si la valeur seuil d'AFR > 65° présentait une sensibilité faible (0,34; car un tiers seulement des genoux SDR avaient un AFR > 65°), sa spécificité de 0,98 (car 1 seul des genoux témoins avait un AFR > 65°) et sa valeur prédictive positive de 0,95 étaient supérieures à celles fournies par les 4 incidences radiographiques conventionnelles étudiées par Dupont.

 

 

4/ Confrontation Scanner-Arthroscopie

Dans ce travail, la réalisation d'un scanner avec mesure de la TAGT avait été réservé aux bilans pré-opératoires des genoux dont l'intensité rebelle de la symptomatologie rotulienne (douleur et instabilité potentielle) conduisait à envisager l'opportunité d'une intervention de recentrage rotulien. Dans le groupe des 55 genoux avec SDR, 24 scanners furent effectués; 13 mesures de TAGT (54%) étaient dans les limites normales (9mm +/- 4 à 30° de flexion et 15mm +/-4 en extension).

Le scanner permet aussi d'apprécier la bascule rotulienne externe, étudiée par Nove-Josserand et dejour dans l'instabilité rotulienne objective (11). Une valeur seuil de 20° de bascule externe était déterminée par ces auteurs, au-delà de laquelle la bascule serait pathologique. En respectant ce seuil, la valeur moyenne de la bascule rotulienne (quadriceps décontracté + contracté), permettait d'obtenir le meilleur équilibre entre sensibilité (0,91) et spécificité (0,90) dans l'instabilité rotulienne objective. Cette spécificité de la bascule rotulienne externe est donc supérieure à celle de 81% obtenue par la mesure de l'AFR "au sérum" pour les genoux des groupes LUX.

Par contre dans l'étude de Nove-Josserand et Dejour, la sensibilité et la spécificité de cette bascule seuil de 20° n'avaient pas été calculées pour des genoux avec SDR isolé sans instabilité objective. Aucune comparaison statistique entre l'étude Lyonnaise et la notre n'était donc possible pour le groupe-SDR, où nous rapellerons cependant que la valeur seuil d'AFR > 65° avait dans notre série une spécificité de 0,98, qui paraît difficile à surpasser.

 

 

5/ Confrontation RMN-Arthroscopie

L'imagerie par résonance magnétique nucléaire (RMN) n'avait jusqu'à présent suscité que peu d'intérêt dans la pathologie fémoro-patellaire douloureuse. Dupont la considérait en 1995 comme trop onéreuse, fournissant des données cartilagineuses moins précises que l'arthro-scanner, très "opérateur-dépendante" et non-aisément accessible partout (10). De plus, ses applications à l'étude de l'interligne fémoro-patellaire ne sont pas d'interprétation facile du fait des variations entre les mesures angulaires de congruence osseuse et cartilagineuse relevées par Muellner et al.(20). Dans notre travail, aucune RMN n'avait été pratiquée dans le but d'étudier spécifiquement la mécanique fémoro-patellaire; aucune confrontation avec la mesure de l'AFR arthroscopique n'était donc possible.

Tout récemment cependant, Williams et al.(21) ont décrit une technique d'imagerie par RMN dynamique, permettant d'étudier la course rotulienne (de l'extension à 90° de flexion) chez le sujet debout (en charge) et assis. Dans 2/3 des sujets asymptomatiques (genoux Témoins) examinés en charge, la rotule genou en extension était en position de bascule latérale. Pour tous ces genoux sains, la rotule était recentrée dans la gorge rotulienne à 30° de flexion, ce qui correspond bien à ce qui avait été décrit dans l'étude arthroscopique sous anesthésie locale de Johnson (5). Cette application de la RMN à l'étude de la pathologie rotulienne douloureuse semble donc prometteuse, mais d'un accès encore limité.

 

 

6/ Confrontation Arthroscopique: signe de Casscells-AFR

Une analyse statistique de la valeur du signe arthroscopique de Casscells (bascule rotulienne externe et contact marginal interne en début de flexion) a déjà été réalisée par Dupont (18). La sensibilité de ce signe était de 1 dans les luxations et de 0,93 dans son groupe de SDR. Par contre, sa spécificité dans le SDR était seulement de 0,56, soit inférieure à celles de toutes les données radiologiques étudiées par ce même auteur, en raison du nombre élevé de subluxations asymptomatiques (43% de signe de Casscells positif dans son groupe de 298 genoux-Témoins).

Notre étude statistique de la valeur d'AFR seuil > 65° indiquait une excellente spécificité dans notre groupe de SDR, avec anomalies radiographiques (correspondant au SDR avec instabilité subjective selon Dejour) ou sans anomalie radiographique (SDR "idiopathique" selon Dupont). La spécificité (0,98) et la valeur prédictive positive (0,95) de cette valeur arthroscopique "AFR seuil > 65°" étaient donc supérieures à celles du signe de Casscells.

 

 

CONCLUSIONS

 

 

1/ Les conditions techniques ici définies de la réalisation d'une arthroscopie du genou perturbent relativement peu la "mécanique" de l'engagement fémoro-patellaire.

2/ L'arthroscopie fournit des informations fémoro-patellaires non seulement qualitatives (vision, palpation), mais aussi quantitatives (AFR).

3/ La valeur seuil de l'AFR "au sérum" > 65° est une donnée originale jusque-là non appréciée en pathologie fémoro-patellaire.

4/ Dans le SDR sans instabilité objective, cette valeur seuil de l'AFR "au sérum" > 65° présente une spécificité de 98%, forte et inégalée.

 

 

Propositions

 

 

1/ Une mesure arthroscopique de l'AFR "au sérum", rapide et facilement reproductible sous réserve d'une technique toujours identique, devrait être systématiquement réalisée lors de tout examen arthroscopique du genou.

2/ La place éventuelle de l'arthroscopie couplée à la mesure de l'AFR "au sérum" dans le bilan des SDR sans instabilité rotulienne objective pourrait ainsi faire l'objet de futures études prospectives.

 

 

 

 

  

 

 

LITTERATURE

 

 

 

 

1. CASSCELLS SW.

 

The arthroscope in the diagnosis of disorders of the patellofemoral joint.

Clin. Orthop., (1979) 144, 45-50.

 

 

2. CASSCELLS SW, MORGAN CD.

 

Evaluation of the patellofemoral joint and suprapatellar pouch.

in Grana WA: Techniques in Orthopedics. Update in arthroscopic techniques, (1984), 25-35, University Park Press, Baltimore.

 

 

3. DANDY D.

 

Chronic patellofemoral instability.

in European Instructional Course lectures, Vol.2, EFORT (1995), 19-26.

 

 

4. FULKERSON JP.

 

Decision-making with regard to the resistant patello-femoral pain patient.

Instructional course lecture N°172, American Academy of orthopaedic surgeons, 63ème réunion annuelle (1996), Atlanta.

 

 

5. JOHNSON LL.

 

Arthroscopic evaluation of the patellofemoral articulation.

in J.M. Fox and W. Del Pizzo: The Patellofemoral Joint (1993), 335-350, McGraw-Hill, Inc.

 

 

 

6. DORFMANN H, LABAUNE D.

 

Arthroscopie du genou: rôle de l'arthroscopiste dans la prescription. A propos d'une enquête sur trois ans.

Rev. Chir. Orthop. (1990) 76, 468-472.

 

 

7. CONFERENCE DE CONSENSUS.

 

Quelle est la place de l'arthroscopie dans l' évaluation et le traîtement de la pathologie fémoro-patellaire. L'arthroscopie du genou. Conclusions et recommandations.

Rev. Chir. Orthop., (1996) 82, 181-183.

 

 

8. REFERENCES MEDICALES OPPOSABLES.

 

Sur les thèmes fixés par l'avenant N°1 de janvier 1994. Explorations et Chirurgie du genou.

Avenant N°5 à la Convention Médicale - CNAMTS (1995), 36.

 

 

9. DUPONT JY.

Présentation d'une forme rare de subluxation rotulienne. La subluxation externe-interne. J. Traumatol. Sport, (1995) 12, 77-89.

 

 

10. DUPONT JY.

 

Subluxation rotulienne: où en sommes-nous en 1995 ?

Acta Orthop. Belg., (1995) 61, 155-168.

 

 

11. NOVE-JOSSERAND L, DEJOUR D.

 

Dysplasie du quadriceps et bascule rotulienne dans l'instabilité rotulienne objective.

Rev. Chir. Orthop., (1995) 81, 497-504.

 

 

 

12. DELGADO-MARTINEZ AD, ESTRADA C, RODRIGUEZ-MERCHAN EC, ATIENZA M, ORDONEZ JM.

 

CT scanning of the patellofemoral joint. The quadriceps relaxed or contracted.

Int. Orthop. (SICOT), (1996) 20, 159-162.

 

 

13. LINDBERG U, LYSHOLM J, GILLQUIST J.

 

The correlation between arthroscopic findings and the patellofemoral pain syndrom. Arthroscopy, (1986) 2, 103-107.

 

 

14. CHASSAING V, PARIER J.

 

Arthroscopie diagnostique et opératoire du genou.

Edit. Masson (1986), Paris, New york, Barcelone.

 

 

15. DELAUNAY C, KAPANDJI T.

 

Effet du remplissage liquidien arthroscopique sur l'engagement fémoro-patellaire. Etude comparative du genou sec et liquidien.

Rev. Chir. Orthop., (1998) 84, 346-349.

 

 

16. MARSON BM, TOKISH JT.

 

The effect of a tourniquet on intraoperative patellofemoral tracking during total knee arthroplasty.

J. Arthroplasty, (1999) 14, 197-199.

 

 

17. MARTINEZ MORENO JL.

 

Syndrome douloureux rotulien idiopathique: une hypothèse étiopathogénique.

Rev. Chir. Orthop., (1994) 80, 239-245.

 

 

 

 

18. DUPONT JY.

 

Pour une clarification de la sémantique fémoro-patellaire.

Maîtrise Orthopédique, (1997) 66, 8-16.

 

 

19. DEJOUR H, WALCH G, NEYRET Ph, ADELEINE P.

 

La dysplasie de la trochlée fémorale.

Rev. Chir. Orthop., (1990) 76, 45-54.

 

 

20. MUELLNER T, FUNOVICS M, NIKOLIC A, METZ V, SCHABUS R, VECSEI V.

 

Patellar alignment evaluated by MRI.

Acta Orthop. Scand., (1998) 69, 489-492.

 

 

21. WILLIAMS AM, TENNANT S, VEDI V, GEDROYE W, HUNT D.

 

Dynamic MRI scanning of the weight-bearing asymptomatic knee: patello-femoral tracking.

J. Bone Joint Surg., (1999) 81-B (SUPP III), 295.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corrélation chirurgie-arthroscopie

Dans cette série personnelle, 8 (73%) des 11 genoux du groupe-LUX ont été opérés à la fin de la période d'étude. De plus, selon les indications chirurgicales finalement retenues par l'auteur, 22 genoux du groupe SDR furent finalement opérés, après échec des mesures attentistes et des traîtements fonctionnels recommandés (Dorfmann et Labaune (1)). Ce taux de 40% d'évolution défavorable est voisin de celui de 33% de non amélioration rapporté par Kannus et al.(), après 7 ans de traîtement fonctionnel, dans un groupe de 51 genoux douloureux antérieurs non arthrosiques (SDR).

 

Pour 22 genoux du groupe SDR finalement opérés (transfert-abaissement tubérositaire), 13 (59%) ne présentaient pas de patella alta selon l'indice de Caton (AT/AP < 1,2)

 

Sur les 21 mesures de TAGT effectués pour 22 genoux du groupe SDR qui furent finalement opérés (transfert-abaissement tubérositaire), 10 étaient dans les limites de la "normale". La sensibilité de cette mesure de la TAGT dans ce sous-groupe des genoux SDR opérés n'était que de 0,52, et sa spécificité ne pouvait être calculée du fait du très faible nombre (3) de scanner-TAGT réalisés pour les genoux-SDR non-opérés. Treize de ces 22 genoux opérés avaient un AFR > 65° (dont 5 avec un recentrage impossible), d'où la sensibilité faible (0,59) de la valeur d'AFR > 65° dans le sous-groupe des SDR opérés, mais une spécificité supérieure de 0,82.