STABILISATION DE LA ROTULE : TECHNIQUE DE RECONSTRUCTION DE LíAILERON ROTULIEN INTERNE PAR LE TENDON DU DROIT INTERNE

V . CHASSAING - Ghassan ZAKHIA-DOUAIHY

  


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Les facteurs anatomiques à l'origine de l'instabilité rotulienne sont multiples, osseux, capsulo-ligamentaires et musculaires. La correction de ces facteurs a conduit à d'innombrables techniques de stabilisation rotulienne, parfois délabrantes par la multiplicité des gestes effectués. Aussi, avons-nous cherché à limiter l'importance de cette intervention en la réduisant à la correction de deux facteurs de líinstabilité : la rétraction de l'aileron rotulien externe et la distension de l'aileron rotulien interne par une plastie utilisant le tendon du droit interne.

Nous pensons, en effet, quíil faut privilégier la réfection de cet aileron rotulien interne car c'est la structure anatomique qui s'oppose le plus directement à la désaxation rotulienne

Cet aileron correspond à une formation anatomique bien précise, décrite par ROUVIERE : « l'aileron rotulien interne naît de la partie supérieure du bord interne de la rotule, et se termine sur la tubérosité du condyle interne, en arrière de la surface d'insertion du ligament latéral interne ».

L'anatomie de cet aileron rotulien interne a été revue récemment par FELLER (6), à líaide de dissections cadavériques de ce quíil appelle le « medial patello femoral ligament ». Il conclut à l'importance de son rôle dans la limitation du déplacement latéral de la rotule.Il s'agit donc bien d'un véritable ligament, individualisable dans ce plan fibreux interne que nous avons pris l'habitude díappeler aileron rotulien interne.

 

TECHNIQUE CHIRURGICALE

Líintervention comporte deux temps opératoires :

- une section de l'aileron rotulien externe sous contrôle arthroscopique,

- une plastie per-cutanée de l'aileron rotulien interne aux tendons du droit interne.

 

1°) SECTION DE L'AILERON ROTULIEN EXTERNE SOUS CONTRÔLE ARTHROSCOPIQUE

L'arthroscopie permet tout d'abord l'exploration de toute l'articulation. Elle apprécie la bascule et subluxation rotulienne. Le cartilage est soigneusement inspecté et d'éventuelles lésions cartilagineuses sont régularisées à la pince emporte-pièce ou avec un système motorisé.

L'arthroscopie est pratiquée sans garrot pneumatique, avec une irrigation abondante sous bonne pression. Le genou est mis en extension. L'arthroscope introduit par voie interne permet de suivre la section de l'aileron rotulien externe qui est effectuée au bistouri électrique. L'hémostase faite à la demande lors de cette section, est contrôlée après avoir clampé l'admission de sérum de façon à supprimer la pression intra-articulaire qui pourrait masquer un saignement ultérieur. Cette section s'étend du point d'entrée antéro-externe jusqu'aux fibres du Vaste externe, repérables par leurs contractions au contact du bistouri électrique.

 

Elle est prolongée vers le bas, le long du tendon rotulien, jusqu'à la tubérosité tibiale antérieure, en sous-cutané, en utilisant un ciseau de Smillie introduit par la voie d'abord antéro-externe.

A la fin de cette section de l'aileron rotulien externe on peut contrôler son efficacité en síassurant du débasculage possible de la rotule par manoeuvres externes.

 

2°) PLASTIE DE L'AILERON ROTULIEN INTERNE

Par une toute petite incision (1), située sur la face interne du tibia, en dedans de la tubérosité tibiale antérieure, le tendon du droit interne est prélevé au stripper.

Une incision de 3 cm, latéro-rotulienne interne, permet díaborder líaileron rotulien interne (2).

Ce plan interne est incisé longitudinalement, le long du bord interne de la rotule, pour pénétrer dans l'espace situé entre aileron rotulien interne en superficie et synoviale en profondeur

On introduit dans ce plan une pince courbe. En regard de la saillie du condyle interne, elle perfore le plan de líaileron rotulien interne, et sort grâce à une ponction cutanée faite à ce niveau. On obtient, ainsi, un premier passage vers l'arrière du droit interne entre aileron et synoviale.

Un deuxième passage de retour vers l'avant est effectué quelques millimètres à côté du premier, de façon à ce que líamarrage de ce tendon se fasse en arrière, par un passage en U sur les parties molles

 

En avant, au niveau de la rotule, le droit interne est fixé à lui-même, après passage sous-périosté pré-rotulien, permettant un amarrage solide. La suture se fait sous tension, sur un genou fléchi à 45°, de façon à éviter le risque d'hypercorrection interne avec sub-luxation rotulienne interne.

Ainsi, a-t-on reconstitué un aileron rotulien interne tendu du condyle interne au bord interne de la rotule, reproduisant son trajet anatomique. L'intervention est complétée par le paletot habituel de líaileron rotulien interne qu'il est possible de prolonger vers le haut, le long du bord interne du vaste interne, de façon à permettre sa médialisation.

 

SUITES OPERATOIRES

Les suites opératoires sont simples : pas d'immobilisation, marche avec appui immédiat, hospitalisation moyenne de 4 jours, rééducation vers le 15ème jour.

 

ETUDE CLINIQUE

Il s'agit d'une étude rétrospective, portant sur 38 patients, ce qui correspond à 40 genoux. Dans tous les cas, il s'agissait díune instabilité rotulienne objective, suivant la définition d'Henri DEJOUR (5): rotules ayant présenté, dans leurs antécédents, un ou plusieurs épisodes de luxation. Líâge moyen était de 23 ans ( 14 à 48 ans ). Le recul moyen était de 10 mois lors de la revue des patients.

Dans tous les cas ( 40 genoux ), il a été pratiqué :

 - une section de l'aileron rotulien externe,

- une suture en paletot de l'aileron rotulien interne et une plastie au droit interne.

Une translation interne de la tubérosité tibiale antérieure a été effectuée 5 fois.

Une translation inférieure, pour abaissement de la rotule a été pratiquée 1 fois.

 

Complications

 Malgré le caractère peu agressif de cette intervention, des complications sont survenues :
 - deux hématomes ayant nécessité une évacuation,

- trois syndromes neuro-algodystrophiques,

- une raideur ayant nécessité une mobilisation sous anesthésie générale.

 Résultats

Les résultats ont été étudiés suivant la cotation Arpège et la cotation Lysholm.

2 résultats sont insuffisants :

- le résultat moyen est en rapport avec des douleurs résiduelles : il s'agissait d'une instabilité rotulienne ancienne avec un pincement fémoro-patellaire externe témoignant de lésions cartilagineuses importantes. Les suites opératoires avaient de plus été compliquées par la survenue d'un hématome ayant nécessité une évacuation chirurgicale.

- le résultat mauvais est du à une récidive d'une luxation rotulienne. Chez cette patiente de 15 ans, une transposition interne de la TTA, que justifiait la baïonnette et une distance TA-GT supérieure à 20mm, n'avait pas été pratiquée en raison de la persistance des cartilages de conjugaison.

 

 Les contrôles radiographiques de ces genoux ont confirmé la réalité de la stabilisation chirurgicale en retrouvant, dans 80% des cas, une réduction complète de la désaxation et de la bascule rotulienne, visible sur les DFP pré-opératoires.

 

DISCUSSION

La réfection d'un aileron rotulien interne anatomique apparaît d'autant plus importante dans le traitement de l'instabilité rotulienne que cette formation, par sa situation et sa direction, est l'élément anatomique qui s'oppose le plus directement à la bascule et désaxation rotulienne. La classique " plicature de l'aileron rotulien interne " qui intéresse en fait tout le plan interne, présente un risque de distension secondaire. Aussi, avons-nous été amené à renforcer cet aileron par la reconstruction díun l'aileron rotulien interne avec le tendon du droit interne. La nouveauté de cette technique réside dans la réfection díun aileron rotulien interne avec un trajet anatomique. Nous avons bénéficié de la pratique de Lemaire (8) qui a utilisé dès 1979 l'expansion du Vaste interne renforcé par du carbone pour reconstituer cet aileron interne. Nous n'avons pas retrouvé dans la littérature de techniques identiques : Líintervention décrite par Baker et coll. (1), reprenant la technique de Galéazzi de 1922, utilise le demi-tendineux en gardant son insertion tibiale et en l'amarrant à la rotule. Campbell (2) prélève une bandelette díaileron rotulien interne qui níest pas fixée sur la rotule mais sur le tendon quadricipital. Enfin l'intervention décrite par Gomes (7), également en 1992, est voisine, mais avec un double amarrage osseux de la bandelette synthétique sur le fémur et sur la rotule, ce qui nous paraît être un montage un peu trop rigide. Avant d'utiliser le tendon du droit interne, nous avions pratiqué la stabilisation rotulienne avec une bandelette synthétique (3, 4). Les résultats, étaient bons en ce qui concerne la stabilité, mais insuffisants en raison de douleurs résiduelles possibles. Ce problème de douleurs a disparu avec le remplacement du synthétique par un tendon.

 Ce geste isolé ne peut traiter toutes les formes d'instabilité rotulienne, mais il peut être associé à díautres gestes de stabilisation rotulienne : cíest le cas lorsqu'il existe une baïonnette trop importante du tendon rotulien qui peut rendre nécessaire une transposition interne de la tubérosité tibiale antérieure ; nous réservons cependant cette indication aux tubérosités tibiales nettement trop externes, en nous méfiant beaucoup de la mesure au scanner de la distance GT-TA qui nous paraît díautant moins fiable quíil síagit souvent díarticulations fémoro-patellaires dysplasiques : le repérage précis de la gorge de la trochlée est alors aléatoire (point GT) ; il en est de même pour le repérage du milieu du tendon rotulien (point TA) qui est étalé sur la TTA. Quand à la rotule haute elle nécessite obligatoirement une correction associée, après avoir cependant éliminé une rotule faussement haute par genu-récuvatum.

Les résultats de cette stabilisation rotulienne ont été tout à fait satisfaisants en ce qui concerne le symptôme instabilité. C'est le cas des instabilités rotuliennes objectives, avec des radiographies qui ont confirmé la qualité de cette sabilisation. Mais les résultats sur la douleur sont moins connus et nous réservons cette intervention essentiellement aux instabilités rotuliennes objectives. En revanche il faut être très prudent pour les instabilités rotuliennes potentielles. Enfin, cette technique n'a évidemment pas d'indication dans les rotules douloureuses sans dysplasie.

 

 

CONCLUSION

Fréquente chez le sujet souvent très jeune, l'instabilité rotulienne objective peut être stabilisée par une intervention peu agressive ; ainsi peut-on espérer limiter le risque des complications chirurgicales inhérentes à cette chirurgie rotulienne, et diminuer le préjudice esthétique, élément important chez ces patients souvent adolescents et de sexe féminin, tout en obtenant une excellente stabilisation rotulienne.

 

Quelques références bibliographiques

1 - BAKER R.H., CAROLL N., DEWAR F.P., HALL J.E. : The semi-tendinosus tenodesis for recurrent dislocation of the patella. J Bone Joint Surg., 1972, 54B, 103-109

2 - CAMPBELL W.C. : Campbell's operative orthopaedics fifth edition, A.H. Crenshaw Editor, 451.

3 - CHASSAING V., PERRAUDIN J.E. : Stabilisation arthroscopique et percutanée de la rotule Annales Orthopédiques de líOuest, volume 27, pages 37-40, 1995

4 - CHASSAING V., PERRAUDIN J.E. : Traitement arthroscopique et percutané des instabilités rotuliennes. J. Traumatol. Sport. 1992, 9, 37-42.

5 - DEJOUR H., WALCH G., ADELEINE P., NEYRET P. : La dysplasie de la trochlée fémorale. Rev. Chir. orthop., 1990,, 1, 45-54

6 - FELLER J.A., FEAGIN J.A., GARRETT W.E. : The medial patellofemoral ligament revisited : an anatomical study. Knee Surg. Sports Traumatol, Arthroscopy, 1993, 1, 184-186.

7 - GOMES J.L.E. : Medial patellofemoral ligament reconstruction for recurrent dislocation of the patella. Arthroscopy, 8 (3), 1992, 335-340.

8 - LEMAIRE M. : Poster, Congrès de l'ESKA, Berlin, 1984;